Dossier
Les jeunes et l’illectronisme
État des lieux de l’illectronisme chez les jeunes
Une faible proportion de jeunes en situation d’illectronisme
Les dernières enquêtes montrent que les jeunes Français sont globalement peu touchés par l’illectronisme. Selon des chiffres de l’INSEE de 2021, si 15 % des personnes âgées de 15 ans et plus sont en situation d’illectronisme, cette proportion tombe à 3 % chez les 15-29 ans, et même à 2,4 % pour les 15-24 ans. À titre de comparaison, le risque d’illectronisme est près de 15 fois plus élevé chez les 75 ans et plus.
Des jeunes inégalement exposés au risque d’illectronisme
Si, sans surprise, l’âge demeure le principal facteur d’illectronisme, la dimension sociale ne doit pas pour autant être négligée. À âge égal, les jeunes sans diplôme sont nettement plus exposés : ceux qui sont sans emploi et sans formation ont ainsi deux fois plus de risque que les autres d’être en situation d’illectronisme. Le sexe semble également influencer : ainsi, selon une étude menée par la DEPP en 2022 sur les compétences numériques de fin de 3ème, 17,9% des garçons ont une maitrise très faible des compétences numériques contre seulement 12,1% des filles. Ces chiffres peuvent sembler contre-intuitifs, car on associe souvent les garçons à une plus grande aisance avec le numérique. Plusieurs raisons peuvent être avancées. D’une part, ce n’est pas parce que l’on utilise souvent le numérique qu’on le maîtrise, tout dépend des usages que l’on en fait. En outre, les compétences numériques évaluées à l’école sont relativement proches des compétences scolaires, un domaine où les filles réussissent statistiquement mieux : 94 % des filles ont le Diplôme national du brevet en 2022 contre 87 % des garçons.
Une maîtrise pas toujours suffisante des outils numériques
Si plus de 90 % des 15-29 ans utilisent Internet quasi-quotidiennement et sont plutôt très à l’aise avec les réseaux sociaux et le numérique que l’on pourrait qualifier de « récréatif », ils maitrisent en revanche nettement moins d’autres domaines de compétences comme la protection de la vie privée, l’utilisation de logiciels ou encore la recherche d’informations, mais surtout, ils peinent transférer leurs compétences vers des usages plus professionnels ou administratifs. Ainsi, selon le baromètre du numérique (ARCEP – 2020), 18% des 15-29 ans se déclarent peu ou pas compétents en matière de bureautique, un chiffre qui monte jusqu’à 29% lorsqu’il s’agit de réaliser des démarches administratives en ligne, des difficultés que confirme un rapport du Défenseur des droits datant de 2019 qui révèle que pour 17% des jeunes ces difficulté sont réelles.
Qu’est-ce que l’illectronisme ?
L’« illectronisme » est un néologisme né de la contraction des notions d’illettrisme et d’électronique. L’illectronisme, parfois appelé « illettrisme numérique », caractérise la situation d’un adulte ne maîtrisant pas suffisamment les usages des outils numériques usuels pour accéder aux informations, les traiter et agir en autonomie dans la vie courante (source : anlci.gouv.fr)
Focus sur L’illectronisme en Bourgogne-Franche-Comté
Selon l’INSEE, en 2019, près de 440 000 Bourguignons et Francs-Comtois n’ont pas utilisé internet au cours de l’année ou rencontrent des difficultés dans l’utilisation des outils numériques. Cela représente 19 % des personnes âgées de 15 ans et plus (21,2 % en Saône-et-Loire et 23,1% en Nièvre), une proportion bien supérieure à la moyenne nationale (15%). Cet important écart trouve ses origines dans le fait que non seulement la Bourgogne-Franche-Comté est une région plutôt rurale mais aussi que sa population est vieillissante, c’est même la 4e région la plus âgée de France. En revanche, lorsque l’on s’intéresse à la tranche d’âge de 15 à 29 ans, seuls 3 % des jeunes sont en situation d’illectronisme, un chiffre conforme à la moyenne nationale.
Aux origines de l’illectronisme de la jeunesse
Des raisons économiques
En effet, même si l’accès aux équipements et aux réseaux s’est largement démocratisé ces dernières années, leur coût continue de constituer un frein pour un certain nombre de familles en particulier en ce qui concerne l’usage de l’ordinateur. Anne Cordier, enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication met en évidence un problème d’inégalités sociales : « Aujourd’hui, l’intégration sociale passe par le smartphone, donc les parents sont davantage attachés au fait que leur enfant en ait un pour qu’il soit intégré, et c’est moins cher qu’un ordinateur. Ils n’apprennent donc jamais à taper sur un clavier. »
Des raisons liées aux compétences et aux savoir-faire
Accéder au numérique demande un certain nombre de compétences de bases qu’elles soient langagières ou technologiques : un jeune en situation d’illettrisme aura du mal à utiliser des outils numériques car ces derniers sont essentiellement basés sur l’écrit. Une étude de l’INSEE de 2022 montre en effet que 17% des personnes en difficulté avec l’écrit non pas utilisé internet au cours des 3 derniers mois contre 3% de la population générale mais aussi que 25% des personnes en difficultés à l’écrit ou en calcul jugent qu’internet complique les démarches administratives, contre 15% de la population générale.
Des raisons géographiques
Là-encore, même si le nombre de zones dites blanches ne cesse de diminuer, la couverture et la qualité des réseaux restent à certains endroits largement perfectibles.
Des raisons psychologiques
Même-si c’est plutôt rare, certains jeunes éprouvent du désintérêt, de la peur voire même de l’aversion pour le numérique.
« L’e-exclusion »
Lorsqu’une famille se trouve dans l’incapacité d’accéder à Internet ou de s’équiper en outils numériques, en raison de contraintes économiques ou géographiques, on parle alors d’e-exclusion. Contrairement à l’illectronisme qui relève d’un manque de compétences ou de savoir-faire, l’e-exclusion renvoie donc à une absence d’accès matériel au numérique. Illectronisme et e-exclusion vont souvent de pair.
La lutte contre l’illectronisme des jeunes : un enjeu de taille
L’illectronisme des jeunes peut avoir de lourdes conséquences _ surtout dans une société qui ne cesse de se digitaliser _ notamment parce qu’il peut finir par impacter :
- leur parcours scolaire. Les élèves confrontés à des difficultés numériques peinent ainsi à effectuer des recherches en ligne, à réaliser certains devoirs du fait de leur non- maîtrise d’un certain nombre de logiciels (traitement de texte, diaporama…). Parallèlement, l’illectronisme de certains parents complique le suivi scolaire : il entrave l’accès aux notes et aux absences, et ne facilite pas les échanges avec les équipes éducatives…
- leur accès à des services fondamentaux du fait de la dématérialisation croissante des démarches administratives (demandes de bourses, inscriptions aux examens, recherches de stages ou d’emplois…). L’illectronisme peut ainsi constituer un véritable frein à l’orientation et à l’insertion professionnelle.
- mais aussi accroitre leur vulnérabilité sociale. L’illectronisme augmente significativement les risques d’isolement et d’exclusion sociale. Il expose également davantage les jeunes aux dangers du monde numérique et les laisse plus démunis face aux arnaques en ligne, à la désinformation ou encore aux phénomènes de cyberharcèlement.
Consciente de ces enjeux, le Ministère de l’Éducation Nationale a fait de l’éducation au numérique et de la lutte contre l’illectronisme, une de ses priorités.
L’importance de l’outil informatique s’est imposée à partir des années 70 (circulaire du ministre de l’Éducation nationale n° 70-232 du 21 mai 1970).
Mais c’est surtout dans les années 2000 que la transition numérique prend de l’ampleur dans les écoles et établissements scolaires.
Lutter contre l’exclusion numérique et renforcer les compétences numériques font partie des enjeux numériques prioritaires.
▶ Enseigner avec le numérique : Les programmes scolaires, de l’école maternelle au lycée, inscrivent la nécessité d’acquérir et de maîtriser des compétences numériques. Tous les enseignements peuvent mobiliser des outils et des ressources numériques qui participent à la construction de ces compétences. Par ailleurs, la formation et l’accompagnement des enseignants est une priorité et assurée notamment par les DRANE et les opérateurs nationaux tels que Pix, Réseau Canopé ou encore le CNED. (Eduscol : le numérique à l’école)
▶ Plateforme PIX : PIX est un service public en ligne pour tous (citoyens, professionnels, élèves..) qui permet d’évaluer, de développer, ce certifier des compétences numériques.
Pour aller plus loin
à lire
- Rapport d’information du Sénat sur l’illectronisme (Sept. 2020)
- Rapport du Défenseur des Droits : Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics (2019)
- E-administration : quelle politique pour les exclus du numérique ? : article paru sur vie-publique.fr (Oct. 2024 – 10mn)
à écouter
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L’Illectronisme, l’exclusion numérique silencieuse : podcast de France-Inter (Janv. 2024 – 53mn) avec Didier Barathon
-
Illectronisme : des vies dématérialisées : podcast de France-Culture (février 2024 -28mn)
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Lutter contre la précarité numérique : podcast d’Orso Media (août. 2023 – 45mn) avec Jean Deyer
à voir
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Fracture sociale et générationnelle : qui sont ces Comtois qui galèrent avec internet ? : infographie parue sur estrepublicain.fr (mars 2024)
-
Illectronisme et numérisation des services publics : conférence de Raphaël Yharrassarry (2022 – 30mn)
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Les chiffres de l’INSEE: études régionales et nationales (chiffres de 2021)
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Le baromètre du numérique de l’Arcom (édition 2022)
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La cartographie de la fragilité numérique des territoires de Mednum une coopérative des acteurs de l’inclusion numérique.
Votre contact à la DRNE
Référent DRNE « Illectronisme » : Vincent WERNER
vincent.werner@region-academique-bourgogne-franche-comte.fr
Page mise à jour le 16/05/2025