Les dossiers de la DRANE
Ludification en éducation : jouer pour motiver
Jeu et pédagogie : un bref historique
Ce bref historique démontre que le concept de jeu et la définition qui en découle, ainsi que son utilité à des fins pédagogiques, diffère en fonction des époques et des points de vue. Le jeu opère cependant un glissement entre le statut d’activité « non sérieuse » à celui d’une expérience pertinente et porteuse de sens, de levier pour la simple motivation des apprenants à un instrument mettant en œuvre des processus cognitifs complexes. Ce changement de posture se vérifie dans la place grandissante accordée au jeu dans le système scolaire, que ce soit au premier, second degré ou dans la sphère universitaire.
La ludification, également appelée ‘gamification‘, consiste à intégrer des mécanismes et des éléments de jeu dans des contextes non ludiques, tels que l’éducation. L’objectif est de motiver les apprenants en utilisant des éléments de jeu tels que les défis, les récompenses et les compétitions, mais aussi la coopération, la simulation et la prise d’initiative pour rendre l’apprentissage plus attractif et significatif.
Le contexte de l’évolution numérique dans l’éducation a permis de développer des nouveaux usages de la ludification tant en présentiel qu’en distanciel.
Les séquences ludifiées et les jeux pédagogiques (dont les escape games sont un parfait exemple) sont des méthodes éprouvées et étayées scientifiquement. Leurs déclinaisons sont multiples et en constante évolution, actionnant des leviers de plus en plus variés, comme l’engagement, la motivation mais aussi l’immersion et la prise de décision. Faisons le point sur cette modalité pédagogique.
Ludification (gamification)
Pour faire simple, la ludification c’est l’utilisation des mécaniques et des ressorts issus du jeu, dans un autre contexte que le jeu, comme une situation d’apprentissage, par exemple. Cette technique de conception peut être appliquée dans de nombreux domaines tels que, le marketing, la santé, le travail, et ce qui nous intéresse davantage : l’éducation. C’est combiner une intention pédagogique à un environnement d’apprentissage stimulant et motivant.
Si nous faisons un retour dans le passé, le « bon point » est déjà une forme de ludification. Plus récemment, ces éléments ont pris la forme de badges, de tableaux de score, de barre de progression, de niveaux, de narration, de récompenses, de compétitions, d’éléments de collaboration ou encore de chronomètre (Lavoué et al., 2019).
La ludification envahit de nombreux pans de notre société : dès 1981, United Airlines proposait de cumuler des « miles » pour gagner de futurs avantages, soit un premier prototype de « programme de fidélité » porté par les points. D’une manière générale, les systèmes offrent des gratifications aux participants, comme la « speed camera lottery » expérimentée à Stockholm qui renversait le paradigme de la sécurité routière : les radars flashaient aussi les bons conducteurs qui pouvaient se voir récompensés de leur civisme.
La ludification porte également sur des enjeux sociétaux ou environnementaux, en engageant les « joueurs » à éprouver des scénarios de simulation, comme le jeu « World Without Oil », jeu de « réalité alternative », fortement immersif, proposait aux joueurs de vivre dans un monde sans pétrole pendant 32 jours, et de régulièrement faire part de leurs impressions sur un site dédié.
Les apports du numérique en pédagogie ont permis d’ouvrir davantage le champ des possibles des outils de ludification.
Jeu sérieux (serious game)
La ludification se rapporte à un processus, distinct du produit final, qu’est le jeu sérieux ou l’escape game.
David Michael et Sandy Chen- (2005) définissent simplement le jeu sérieux en cette phrase :
« Games that do not have entertainment, enjoyment, or fun as their primary purpose » : tout jeu dont la finalité est autre que le simple divertissement.
Alvarez, Djaouti et Rampnoux proposent une autre définition en 2016 dans Apprendre avec les serious games :
« Un jeu sérieux comme un « dispositif, numérique ou non, dont l’intention initiale est de combiner, avec cohérence, à la fois des aspects utilitaires (‘serious’) tels, de manière non exhaustive et non exclusive, l’enseignement, l’apprentissage, la communication, ou encore l’information, avec des ressorts ludiques issus du jeu, vidéoludiques ou non (« game »). Une telle association vise une activité ou un marché s’écartant du seul divertissement ».
Serious game = scenario utilitaire + jeu (vidéo ou autre)
Ludifier ses pratiques pédagogiques : pourquoi et comment ?
Pourquoi ludifier ses pratiques enseignement ?
Il y a plusieurs avantages à l’utilisation du jeu en pédagogie. La recherche démontre que la ludification à un impact positif sur la motivation, favorise l’apprentissage par l’alternance entre essai et erreur, permet de différencier sa pédagogie, développe de l’interaction entre les élèves (favorise les situations de collaboration…), représente concrètement des notions abstraites (manipulation, simulation…), apporte du plaisir et de l’émotion dans l’acte d’apprentissage.
Quelques pistes d’utilisations pédagogiques :
- introduire des savoirs ou des savoirs faire, par le biais d’activités ludiques abordant ces notions avant qu’elles ne soient décomposées, formalisées dans la séquence proprement dite, dans des démarches de classes inversées
- construire des savoirs, des savoirs faire et des savoirs être, avec des jeux simulant des situations de la vie réelle et nécessitant de mobiliser toutes ces ressources, dans des démarches de projet
- consolider des acquis, le jeu éprouvant la capacité de l’élève à mettre en œuvre les éléments saillants
- évaluer des acquis, de nombreux jeux permettant de tester ces acquis en fin de séquence
Comment analyser ou choisir un jeu sérieux pour une utilisation pédagogique ?
Damien Djaouti propose 3 critères pour analyser ou choisir un jeu :
- Les contenus : Quelles connaissances ou pré-requis sont nécessaires ? Quelles compétences sont mises en œuvre dans le jeu ?
- L’expérience de jeu: Quel est le scénario ? Y a-t-il des aides ? Que doit faire le joueur (manipulation de pion, exercice de dextérité…) ?
- Les mécanismes du jeu (le game play) : Comment progressent les joueurs dans le jeu ? Quelles missions sont demandées aux joueurs ? Quel est le mécanisme de récompenses ? Quelles sont les conséquences d’un échec ?
D’autres critères sont importants, comme la fiabilité du jeu (éditeur, source du concepteur, etc.) et le degré de « serious gamisation », c’est-à-dire l’équilibre entre le jeu et le sérieux.
Le jeu, levier d’apprentissage pour une citoyenneté numérique responsable
Le jeu constitue une porte d’entrée privilégiée pour aborder les usages responsables du numérique, car il place l’élève en situation d’acteur plutôt que de simple récepteur de consignes. En manipulant des cartes, en résolvant des énigmes ou en relevant des défis scénarisés, les jeunes expérimentent concrètement des situations de sécurité, de protection des données ou de citoyenneté numérique, ce qui renforce la compréhension et l’ancrage des messages. Le cadre ludique désamorce aussi la dimension anxiogène de certains sujets (cyberharcèlement, cyberattaques, vie privée) et permet de les traiter avec recul, tout en stimulant la motivation et l’engagement.
Les jeux sérieux et dispositifs ludiques favorisent également l’intelligence collective et le développement de compétences transversales : coopération, argumentation, esprit critique face à l’information ou aux comportements en ligne. En travaillant en petits groupes, les élèves confrontent leurs points de vue, justifient leurs choix, élaborent ensemble des stratégies plus sûres (gestion des mots de passe, réactions face à un message suspect, sobriété numérique…), ce qui permet de passer d’une simple sensibilisation à une véritable appropriation des bons réflexes
Les jeux soutenus par la DRANE Bourgogne-Franche-Comté
La Fresque des cybercitoyen.ne.s
La Fresque des cybercitoyen.ne.s
La Fresque des cybercitoyens est un jeu pédagogique destiné aux jeunes de 11 à 14 ans, pensé pour les initier à la sécurité numérique et à leur rôle de cybercitoyens. Il les invite à prendre la parole, à confronter leurs idées et à s’appuyer sur l’intelligence collective du groupe, favorisant ainsi un apprentissage à la fois ludique, collaboratif et engageant. La DRANE et les CLEMI de Dijon et Besançon accompagnent les collèges qui souhaitent utiliser le jeu en classe
Cyber-enquête : sur la trace du hacker
Cyber-enquête : sur la trace du hacker
Cet escape game pédagogique a été conçu par le Ministère de l’Éducation nationale pour sensibiliser les élèves et les adultes à la cyber sécurité. Il est entièrement gratuit et libre, l’ensemble des ressources (cartes à imprimer, règles du jeu) est disponible en téléchargement sur la Forge des communs numériques éducatifs Pour accompagner le jeu, une application est disponible en ligne : https://cyber.forge.apps.education.fr/cyber-enquete/. (le kit de cartes à télécharger gratuitement)
Luanti (anciemment Minetest)
Luanti (anciemment Minetest)
C’est une version libre, gratuite et open-source de MineCraft, jeu collaboratif très populaire. Les joueurs peuvent modéliser un environnement complet en assemblant des cubes de différentes textures. Tout l’intérêt de ce jeu est que c’est un serious game pouvant être utilisé en classe grâce à des possibilités de créations illimitée.
Les jeux produits par la DRANE Bourgogne-Franche-Comté
Malversations sur l'ENT
Malversations sur l’ENT
Le jeu sérieux en ligne s’adresse aux enseignants.Il les place dans la peau de la personne chargée de gérer une situation. Elle doit identifier les comportements à risque, prendre des décisions, démontrer une bonne maîtrise des règles du monde numérique. Le déroulement prend la forme d’une histoire interactive et immersive où le joueur progresse par choix successifs à travers un scénario certes fictif mais réaliste. Pour les joueurs, l’intérêt est double : se divertir tout en s’exerçant à repérer les risques et à adopter les bons réflexes sur un ENT, à mieux comprendre leurs responsabilités et à développer leur esprit critique face aux actions suspectes en ligne.
▶Jouez à Malversations sur l’ENT J
En route pour le Sup'
En route pour le Sup’
Ce jeu sérieux en ligne co-développé par la DRAIO et la DRANE. Il est constitué de cartes physiques de type questions-réponses. Le scénario du jeu : en tant qu’expert Parcoursup, les élèves vont devoir aider Célia, une élève de Terminale STL, à prépare ses vœux sur la plateforme Parcoursup. Le challenge : ils sont plusieurs experts sur le coup, il s’agit donc que chacun se démarque en lui fournissant les meilleurs conseils.Il y a 3 grandes catégories de questions. À terme, le jeu proposera différents profils d’élèves à conseiller.
Femmes et numérique : le jeu

Femmes et numérique : le jeu
La DRANE fait de la mixité dans les filières du numérique une priorité en nouant des partenariats avec des associations reconnues. Elle a conçu ce jeu de cartes sur plateau à destination des élèves du second degré. Il s’agit d’un questions-réponses qui oppose deux équipes autour de quatre catégories :
– Est-ce l’invention d’un homme ou d’une femme ?
– Ces statistiques sont-elles vraies ou fausses ?
– Connaissances en informatique
– Concepts et chiffres autour de la place laissée aux femmes
Pour aller plus loin
Ludification : jouer pour motiver (DRANE Bourgoggne-Franche-Comté, 2024) ▶
Les leviers de motivation pour le jeu et par le jeu sont nombreux, mais dépendent d’un profilage et d’une structuration de l’expérience ludique qui nécessitaient d’être décryptés. Ce document .clarifie certaines notions (ludification, gamification, jeu sérieux…), aborde les différentes manières dont le jeu peut être intégré dans des contextes éducatif et souligne l’importance de la ludification dans l’éducation et ses effets sur la motivation et l’engagement des apprenants.
Et si on jouait pour préparer la rentrée ? (DRANE Bourgoggne-Franche-Comté, 2024) – Un podcast en 4 épisodes
Depuis plusieurs années, une équipe d’enseignants du collège Louis-Pasteur à Jussey (Haute-Saône) propose aux futurs élèves de 6è une pré-rentrée sous forme d’escape game d’une durée de deux jours. Divisés en magiciens et guerriers, les élèves doivent localiser, débusquer et vaincre tous les occupants indésirables du collège afin d’assurer une rentrée sereine. Au cours de leur quête, ils croiseront des personnages tels que Frankenstein, des ogres, la Vouivre, des dragons, le monstre du Loch Ness, et bien d’autres. De nombreux défis les attendent, sollicitant leurs connaissances en contes en français, en géométrie et en calcul en mathématiques, ainsi qu’en anglais, où ils endossent le rôle de Sherlock Holmes pour mener l’enquête. En sciences, ils se transforment en savants manipulant des potions, tandis qu’en géographie, ils deviennent des explorateurs à la recherche de créatures mythologiques à travers les continents. Le stage culmine avec une chasse aux monstres autour du gymnase, mettant en pratique toutes les compétences acquises lors des activités précédentes.
Page mise à jour le 10/12/2025


