Dossier
Le droit à la déconnexion en milieu scolaire
🚩 La DRNE n’est pas spécialisée dans les questions juridiques.
Ce dossier est fourni à titre informatif seulement et n’est pas en soi, un texte juridique.
Le droit à la déconnexion,
équilibre entre la vie professionnelle ou scolaire et la vie personnelle
Cette notion peut se définir comme le droit de tout agent public de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel (ordinateur, tablette, téléphones portables…) en dehors de son temps de travail. En clair, en cas d’absence de réponse des agents en dehors de leurs heures de travail, ils ne peuvent être exposés à des sanctions.
Le sujet du droit à la déconnexion en milieu scolaire représente un enjeu majeur et permet de garantir un équilibre respectueux de la santé mentale des enseignants mais aussi celle des élèves. Peu importe la génération de laquelle on vient, la tendance est souvent de se ruer sur son téléphone pour lire ses messages, vérifier ses devoirs ou ses notes, naviguer sur Internet, consulter l’heure…. Pourtant, rien ne vous y oblige. Mieux, la loi donne toutes les raisons aux enseignants de de déconnecter en dehors de leur temps de travail.
Vers une reconnaissance juridique de ce droit pour les enseignants
Entre Textes Généraux et Pratiques Établies
▶ Le droit à la déconnexion existe pour les enseignants, mais aucune loi spécifique ne le formalise pour leur profession.
▶ Il repose sur des textes généraux de la fonction publique (circulaire, accord) et sur la bonne volonté des établissements scolaires.
Formalisé dans le secteur privé par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dite loi El Khomri, ce droit s’impose dans la fonction publique avec l’accord relatif à la mise en oeuvre du télétravail dans la fonction publique du 13 juillet 2021 au 5.2 « le droit à la déconnexion » :
« L’effectivité du droit à la déconnexion et donc du respect des temps de repos est un élément essentiel pour assurer de bonnes conditions de travail aux agents mais également le bon fonctionnement des services. Garantir le droit à la déconnexion suppose notamment d’établir des principes et des règles dans le cadre du dialogue social et de sensibiliser et de former les agents aux bons usages des outils numériques et à la nécessité pour chacun d’être vigilant au respect du droit à la déconnexion des autres.»
Ce fondement est rappelé par l’accord du 23 février 2022 relatif à la mise en œuvre du télétravail aux ministères de la transition écologique, de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et de la mer à l’article 9.
Aujourd’hui, le droit à la déconnexion dépasse le cadre du télétravail dans la fonction publique et vient s’inscrire tel un droit essentiel permettant la santé au travail mais surtout dehors de celle-ci. De plus, bien que le fonctionnement des conseils de classe ou d’administration soit précisé par le Code de l’éducation aux articles R421-50 et R421-51, il ne semble exister aucune réelle limite quant à leur durée ou leurs horaires. En général, cette décision revient au chef d’établissement ou directeur d’école. D’ailleurs, l’article D111-12 du Code de l’éducation encadre d’une certaine manière ces durées puisque l’on doit tenir compte des horaires des classes, des activités scolaires, du calendrier de l’orientation et des examens. On recommande que la durée de ces conseils soit limitée.
Une démarche de respect des temps de repos et de congé
Diverses initiatives exemplaires ont émergé afin d’assurer une mise en œuvre effective du droit à la déconnexion dans l’Éducation nationale :
- Diffusion en interne d’une charte des bons usages du numérique dans les écoles et établissements scolaires dans le cadre du plan académique de prévention des risques psycho-sociaux)
- Encadrement des horaires d’envoi de courriels
- Formation des cadres à la gestion des temps de travail numérique
- Réalisation d’une enquête de perception
- Utilisation des fonctions d’envoi différé des e-mails les soirs ou le week-end
- Mise en place un message dans leur signature mail indiquant : « Si vous recevez ce message en dehors des horaires de travail ou pendant vos congés, vous n’êtes pas tenu de répondre, sauf en cas d’urgence exceptionnelle »
L’hyperconnexion, une réalité dans l’enseignement
Le numérique prend de plus en plus de place dans la sphère éducative, cela se caractérise notamment par une multiplication des canaux de communication comme l’environnement numérique de travail (ENT), les plateformes collaboratives, les courriels professionnels, les messageries instantanées ou encore les visioconférences.
En effet, les enseignants empiètent parfois leur temps personnel en se connectant ou en répondant lors des week-ends, en soirée, durant les absences autorisées ou pendant les vacances scolaires. Ce manque de frontière temporel mène à une fragilisation de la vie privée et pèse sur la santé mentale du corps éducatif pouvant engendrer un épuisement professionnel, un état de stress ou des troubles dépressifs.

D’autres moyens de communication restent possibles, c’est le cas des réunions parents-professeurs ou encore la prise de rendez-vous ponctuelle. Le droit à la déconnexion est un enjeu de mise en œuvre concrète. C’est un levier indispensable de prévention des risques psycho-sociaux mais aussi de promotion de la qualité de vie au travail.
Une liberté également en faveur des élèves
Encadrement de l’utilisation du téléphone portable (2018)
La loi n° 2018-698 du 3 août 2018 relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire s’applique à l’ensemble des écoles et collèges et couvre la totalité de leur enceinte. Elle porte sur tous les équipements terminaux de communications électroniques : téléphones de toutes générations, montres connectées, tablettes, etc. Elle s’applique également aux activités liées à l’enseignement organisées en dehors de l’établissement scolaire, par exemple l’éducation physique et sportive, les sorties et les voyages scolaires. Elle en autorise les usages pédagogiques mentionnés dans le règlement intérieur l’autorise expressément ».
« Dans les lycées, le règlement intérieur peut interdire l’utilisation » des téléphones portables « dans tout ou partie de l’enceinte de l’établissement ainsi que pendant les activités se déroulant à l’extérieur de celle-ci ».
▶ Article L. 511-5 du code de l’éducation
▶ Loi n° 2018-698 du 3 août 2018 relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire
▶ Bulletin officiel n°35 du 27 septembre 2018 : Interdiction de l’utilisation du téléphone portable à l’école et au collège
▶ Eduscol : Vademecum et supports de communication
Écrans et enfants, à la recherche du temps perdu (2024)
Répondant à une demande du Président de la République, ce rapport rend compte des travaux d’une commission réunissant une dizaine d’experts. Après avoir rencontré 150 jeunes et 100 professionnels, ils formulent 6 axes et 29 propositions d’actions.
Extrait (page 11) : « […] Les membres de la Commission » formulent le vœu de pouvoir rassembler autour d’un principe simple : rassembler autour d’un principe simple : aux enjeux soulevés par l’exposition des enfants et des adolescents aux écrans, la réponse se doit d’être collective. L’essentiel est de prendre conscience, dans une société vieillissante, que progressivement, les enfants s’invisibilisent, deviennent les captifs mal armés de géants économiques et de stratégies de contrôle tous azimuts, sont exhortés à ne pas faire de bruit dans les lieux collectifs, mettent des réveils la nuit pour consulter leurs notifications ou découvrent que leurs parents ont accès à leurs notes avant que leur professeur ne les leur communique, sont confrontés sans choix à des représentations contestables d’un point de vue éthique et démocratique, tout en peinant à faire aussi reconnaître l’intérêt de leur expérience en ligne. »
◀ Dans la Partie 2 « Exposition des enfants et des adolescents aux écrans : est-ce grave ? » (p.24-p.57), la Commission fait le point sur l’état des connaissances quant aux impacts du numérique. Elle identifie et qualifie chaque impact, en veillant à expliciter ce qui est largement établi sur le plan scientifique, voire fait consensus, de ce qui peut être controversé en l’absence de données suffisantes. L’infographie ci-contre propose une vue synthétique de cette partie 2.
La Commission dresse un ensemble de constats sur l’exposition des enfants mais propose également des recommandations pour un usage maîtrisé et raisonné tout au long de l’enfance et l’adolescence ▼
Téléchargez le rapport Écrans et enfants : à la recherche du temps perdu (2024)
Téléchargez l’infographie Les effets délétères de la surexposition aux écrans (DRNE, 2025)
Téléchargez l’infographie Repères par âge pour un usage progressif des écrans (DRNE, 2025)
Généralisation de la « pause numérique » (rentrée 2025)
La « pause numérique », expérimentée dans une centaine de collèges en 2024-2025, sera généralisée à la rentrée 2025. Cette mesure ministérielle vise à interdire les appareils mobiles et en particulier le téléphone portable pendant le temps scolaire et périscolaire mais aussi durant toutes les activités scolaires organisées en dehors de l’école ou du collège. L’objectif est multiple : prévenir les violences en ligne, limiter l’exposition aux écrans, cultiver un climat scolaire sain, améliorer les conditions d’apprentissage.
La pause numérique vient renforcer la loi de 2018 et fait suite aux préconisations de la commission de travail sur les écrans voulue par le président de la République, et qui avait pour but d’évaluer l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans.
Entre 20 h00 et 07 h 00 : Droit à la déconnexion pour les ENT et Pronote
Les élèves se sentent contraints, malgré eux, de consulter fréquemment leur ordinateur ou leur portable de peur de manquer une information essentielle pour le lendemain. La question du droit à la déconnexion ne concerne plus uniquement les professionnels, elle se pose aussi du côté des élèves et de leurs parents qui sont de plus en plus sollicités en dehors du temps scolaire. la ministre propose un « droit à la déconnexion » pour les espaces numériques de travail (ENT) et les applications telles que Pronote. Ce droit à la déconnexion permettrait d’alléger la charge mentale des élèves en réduisant le flot incessant de communications numériques. En plus de l’encadrement de l’utilisation des smartphones, la Ministre souhaite empêcher l’actualisation des notifications concernant les notes ou les devoirs, entre 20 h 00 et 07 h 00 pendant la semaine. L’objectif est d’instaurer des pauses numériques bien méritées pour ces jeunes esprits en perpétuelle effervescence et de limiter le stress numérique ainsi que l’hyperconnexion chez les élèves. Cette mesure peu coûteuse pourrait être un véritable levier d’action pour tempérer le climat scolaire et à la maison.
Technoférence : l’hyperconsommation des écrans compromet la relation parent-enfant
Il est question des effets nocifs d’une surexposition des jeunes enfants aux écrans. Pourtant, les recherches actuelles révèlent un autre aspect de l’effet des écrans, tout aussi délétère sur le comportement des enfants et adolescents. Il s’agit de la technoférence, c’est-à-dire, l’interruption fréquente du numérique par les adultes ou leur manque de disponibilité envers leurs enfants. Demander à son enfant d’attendre pendant qu’on termine de lire un e-mail ou interrompre un jeu à cause d’une notification sur son smartphone : dans notre monde hyperconnecté, les écrans interférent dans les interactions intrafamiliales. C’est un des grands paradoxes de la parentalité moderne est que les parents, dont le rôle est d’encadrer l’usage numérique à la maison, n’ont eux-mêmes pas une consommation raisonnée et raisonnable de leurs écrans…
Ce phénomène intéresse les spécialistes depuis plusieurs années. Elle a été initialement théorisée dans le cadre de la relation de couple par le chercheur en psychologie familiale Brandon McDaniel (2012). Elle a ensuite été transposée à la relation coparentale et à la relation parent-enfant. Aujourd’hui, le terme est utilisé pour caractériser les interférences du numérique dans le cadre de la relation parent-enfant. La technoférence modifie les comportements : les parents sont plus rudes, se montrent moins patients, moins sensibles, perçoivent globalement moins bien les demandes de l’enfant. Les enfants, eux, se sentant moins importants aux yeux de leurs parents, cherchent à attirer l’attention, râlent plus et sourient moins.
Pourquoi faut-il changer les habitudes ?
Il n’est plus à démontrer que les interactions parent-enfant de qualité favorisent le développement cognitif (acquisition de connaissances, compréhension du monde, régulation des émotions) et sur le développement du langage.▶ Fiche médiation : la technoférence (Internet sans crainte)
▶ 6 habitudes pour un rééquilibrage des comportements numériques (DRNE)
Les maux du siècle toutes générations confondues
De l’hyperconnexion à la cyberdépendance, il n’y a parfois qu’un pas….
La généralisation des smartphones puis du télétravail concourt à coloniser la pensée par l’outil qui devient obsédant et cela peut parfois empêcher la réalisation d’autres activités (sociales, professionnelles). L’augmentation progressive des usages numériques dans la sphère privée comme professionnelle s’observe aussi bien chez l’adolescent que l’adulte, peu importe la catégorie professionnelle, amenant à des cyberdépendances à des degrés plus ou moins important. Les cyberdépendances sont facilitées par des systèmes de récompense et des algorithmes programmés de certaines plateformes en ligne pour retenir l’attention de l’utilisateur et sont liées à une forme nouvelle de conformisme, celle de ne pas être laissé de côté

Le syndrome FOMO (fear of missing out) est une forme d’anxiété caractérisée par la peur constante de manquer une nouvelle importante ou un autre événement quelconque donnant une occasion d’interagir socialement.
Le scrolling consiste à faire défiler indéfiniment des informations sur son smartphone, plus particulièrement des vidéos issues des réseaux sociaux. Ce comportement compulsif peut perdurer au coucher, voire durant la nuit.
Le devoir d’exemplarité de l’École et des familles
Hyperconnexion, hyperconenctivité, surconnexion, surexposition aux écrans, hyperprésence des outils numériques… Ces concepts n’existaient pas avant la digitalisation du quotidien et pourtant il concerne aujourd’hui tout le monde. L’hyperconnexion implique d’être constamment sur des appareils numériques et connecté à Internet. L’essor des technologies numériques s’accompagne progressivement d’usages excessifs voire compulsifs dans lesquelles les jeunes et moins jeunes peuvent se retrouver piégés.
Les technologies numériques représentent un excellent moyen de favoriser les échanges au sein d’une école ou d’un établissement scolaire, d’améliorer la productivité, l’attractivité et l’efficacité des pratiques pédagogiques. Il faut néanmoins reconnaître que ces outils peuvent engendrer des dérives : ce qui était initialement conçu pour offrir une certaine liberté d’utilisation peut se transformer en une pression à répondre immédiatement, entraînant une surconnexion qui devient une difficulté à gérer voire vécue un problème insoluble (débordement sur la vie privée, surcharge informationnelle, émergence norme implicite de connexion permanente, troubles relationnels…). Il est donc essentiel, que parents et personnels d’éducation, prennent conscience des risques associés à l’utilisation excessive du numérique, qu’ils réfléchissent à leur intégration dans l’organisation du travail éducatif, qu’ils fassent valoir leur droit à la déconnexion mais aussi qu’ils prennent ‘=l’habitude eux-mêmes de se déconnecter pour pouvoir ensuite mieux encourager cette pratique auprès des jeunes.
À l’école, instaurer des périodes sans écran permettrait aux élèves de se concentrer sur leur apprentissage sans être distraits par les notifications de leurs appareils et de favoriser des interactions sociales plus authentiques et des activités physiques. À la maison, les familles doivent établir des moments sans écrans pour renforcer les liens familiaux et promouvoir des loisirs déconnectés. Enseignants et parents ont un devoir d’exemplarité.
Ce dossier thématique a été co-rédigé avec Manon Jurdzinski
(étudiante en Master 1 Droit du numérique à l’Université Louis et Marie Pasteur, Besançon – Stagiaire à la DRNE en juin 2025)
Page mise à jour le 18/06/2025