Projet TED-i : Un exemple d’utilisation au quotidien dans le 2d degré

par | Mar 31, 2023

Projet TED-I : Un exemple d’utilisation quotidien dans le 2d degré

Le projet TED-i propose des systèmes de téléprésence robotisés (robots) destinés aux jeunes scolaires empêchés par des maladies graves et de longue durée. Le déploiement d’un robot, organisé dans le cadre d’un projet multipartenariat [Article précédent], modifie le quotidien des enfants empêchés en favorisant le maintien des liens sociaux avec la classe. Il permet, ainsi parfois, un maintien de la démarche d’apprentissage, mais évite surtout l’isolement de l’enfant et favorise la reprise ultérieure de la scolarité.

Cet article, qui vous propose de découvrir le quotidien de Chloé, vous présente son regard et ceux des différents intervenants du projet sur l’utilisation d’un robot BEAM.

Préparer l’arrivée et la présence de BEAM dans une classe

L’arrivée d’un robot dans une classe peut questionner. Le « robot » a-t-il pour vocation de remplacer l’enseignant ? Peut-il servir d’objet de contrôle de ce qui se passe en classe ? L’élève empêché peut-il effectuer des captations d’images de ce qui se passe en classe ?, etc.

L’ensemble de ces questions est légitime, car avoir un « robot » en classe n’est pas une situation habituelle. Si rapidement la question du remplacement de l’enseignant par le « robot » est levée (car le « robot » représente l’élève et non l’enseignant), les autres questions sont essentiellement liées aux usages mis en œuvre par l’élève. Lors de l’accompagnement à la prise en main, il est signifié à l’élève, à sa famille et à l’établissement de soin que dès que l’écran est allumé, l’élève est en situation scolaire. De ce fait, ce sont les cadres ou le règlement de l’établissement qui s’appliquent. La captation d’image ou la participation de tierces personnes aux heures de cours sont interdites comme cela le serait au sein de l’établissement. Le non-respect de ces éléments de cadrage conduit au retrait du robot. La DRNE n’a jamais eu, depuis les 2 années de déploiement, à effectuer un tel retrait.

Regards croisés : Comment avez-vous préparé les élèves de la classe à l’arrivée de BEAM ? Comment vous êtes-vous préparé ?

L’enseignante : Il n’y a pas eu d’accueil du robot comme il pourrait y avoir un accueil d’élève. Le jour où Chloé est arrivée derrière le robot, c’était comme si c’était Chloé qui arrivait. Il y a eu des petits réglages au début, mais on essaie de l’insérer dans la classe comme si c’était elle.

Les élèves accompagnants : On a fait comme si c’était Chloé en vraie personne. On n’a pas envie qu’elle se sente mal à l’aise.  On a un emploi du temps. Donc, on va chercher Chloé [le robot] dans le bureau et en fin de cours, on la ramène.

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Le quotidien de la classe avec un robot BEAM

Le déploiement d’un robot vise 3 objectifs distincts et complémentaires. Le premier, par ordre de priorité, est de maintenir les liens sociaux entre l’élève empêché et ses pairs. Le second est de faciliter le retour de l’élève empêché en classe en maintenant une posture d’apprenant. Le dernier et surement le plus dur à atteindre dans ces contextes spécifiques est le maintien de la dynamique et de la progression dans les apprentissages.

Regards croisés sur le maintien des liens avec les pairs

Les élèves accompagnants : On nous avait proposé de rester avec elle pendant des récréations, mais on ne l’a pas encore fait. On s’envoie parfois des messages hors temps de classe, car avec le robot, elle assiste surtout au cours.

Chloé : je n’ai pas trop eu l’occasion de voir mes amis de classe en dehors des temps de cours parce que je n’ai pas trop de temps. Mais j’aime bien les voir. J’échange déjà un peu avec certains par SMS mais c’est différent avec le robot.

La maman : Le robot a permis à Chloé de s’occuper et de sortir du monde du soin. Quand elle a revu ses amis sur l’ordinateur, elle s’est étonnée, car elle a trouvé qu’ils avaient changé !

En fonction des objectifs visés, le choix des cours ou activités, auxquels l’élève empêché participera, peut varier, tout comme le volume des horaires de présence. La participation de l’élève empêché aux cours est rarement en continu (en moyenne 1 à 2h par jour). Des fiches de liaisons ont été construites afin de faciliter une communication efficace entre l’élève et l’enseignant en fixant les cours suivis, les modalités pédagogiques prévues pour ces cours ou encore l’utilisation de supports de cours spécifiques (vidéoprojecteur, internet, expérimentation, etc).

Cependant, la fatigabilité de l’élève comme la mise en œuvre de soins réguliers rend la présence en cours fluctuante et nécessite, malgré cette organisation préalable, une adaptation constante de l’équipe pédagogique.

Regards croisés des acteurs sur le choix des cours suivis et des modalités de cours.

Chloé : Les cours ont été choisis par le collège, ma mère et moi en fonction de mes horaires, des soins et des matières que je voulais suivre. Lorsque je fais 2h de téléprésence à la suite, c’est difficile, car à la fin, j’ai du mal à me concentrer. Je ne pourrais pas en faire plus d’un coup. J’ai 8h de cours à distance par semaine, donc un peu tous les jours et c’est bien. J’ai un planning qui a été fait par le collège. Pour les langues, c’est un enseignant qui vient à la maison. C’est plus facile pour parler. Après, je suis les cours de Mathématiques, de français, d’histoire-géographie et un peu de physique avec le robot. Cela se passe à peu près pareil dans toutes les matières, il n’y a pas plus de difficultés pour les unes ou pour les autres.

Enseignant : La personnalité de Chloé se retrouve à travers le robot et ne facilite pas forcément le travail de groupe.

Les élèves référents : Quand on est avec Chloé en cours, on s’assure surtout qu’elle arrive à suivre et qu’elle comprend. Si elle a besoin, on lui re-explique des choses.

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L’utilisation du robot BEAM permet une présence en cours, mais nécessite des éléments complémentaires si le souhait est de maintenir une situation d’apprentissage. La transmission de cours, documents supports via l’ENT par exemple dont l’élève peut se saisir de façon asynchrone est indispensable. Des productions réalisées par l’élève et évaluées de façon formative par l’enseignant sont aussi souhaitables pour favoriser le travail à distance.

Regards croisés des acteurs sur les modalités d’accompagnement asynchrones

Enseignant : En fait, Chloé ne m’a pas sollicité en dehors des cours mais c’était pareil quand elle était en cours. Elle est restée sur son fonctionnement habituel. Ce n’est pas lié au robot mais à sa façon d’être. Sinon, elle a les documents dans l’ENT.

Chloé : Je communique parfois avec les enseignants avec l’ENT. Je leur pose des questions si j’ai un problème. Au début, je n’avais pas forcément tous les cours avant le début des séances mais petit à petit ça s’est organisé. Maintenant, les enseignants mettent tous les cours dans les dossiers partagés de ma classe avant le cours comme ça je peux suivre le cours plus facilement. J’ai mon document et en même temps je peux suivre aussi sur le tableau. Les autres élèves ont donc aussi les cours maintenant. C’est bien pour ceux qui n’ont pas eu le temps de tout noter en cours.

Conclusion

Regards croisés des acteurs sur les apports des robots BEAM en classe

Les élèves référents : Je ne sais pas vraiment si cela a eu un impact. Cela a étonné les autres personnes. Par contre, les gens de la classe ont été assez empathiques envers elle. Si on a besoin de quelqu’un pour nous remplacer pour aller chercher Chloé [le robot], ils sont assez dévoués.

Chloé : Le robot me permet d’apprendre sans me déplacer et m’apporte un peu de contact avec mes copains et mes copines. Les copines qui sont à côté du robot me demandent souvent si j’ai compris et m’expliquent ce que je n’ai pas compris. Ce ne sont pas forcément mes amies d’avant mais avec le robot, se sont devenues mes amies.

La maman : Avec le robot, Chloé a gagné en autonomie. Au début, elle avait du mal à envoyer des mails aux professeurs ou à s’organiser, mais maintenant, elle gère tout toute seule. Elle me demande parfois, mais je ne fais que vérifier. Chloé aime les cours et elle apprécie vraiment de pouvoir apprendre un peu comme en classe.

Regards croisés des acteurs sur les atouts et les faiblesses du dispositif

Le principal adjoint : Pour moi, le principal frein est qu’un jeune ne peut pas passer trop de temps devant un écran. Cela me parait compliqué dans le cadre d’une utilisation à temps plein. L’élève ne peut pas être aligné sur son emploi du temps. Il faut construire des temps de cours à domicile et de téléprésence.

L’enseignante : En classe, je ne vois quasiment aucun frein. Les seuls bémols sont les réglages autour de la lumière et du son de façon à ce qu’elle voit et entende bien. Par ailleurs, quand je suis dans la salle et que Chloé parle, je ne l’entends pas du tout. Ce sont les autres élèves qui me le signalent. L’existence d’un son qui me permettrait de savoir que Chloé veut parler serait utile.

Chloé : Pour moi, il n’y a pas vraiment de côtés négatifs. C’est mieux pour comprendre et apprendre.

La maman : Pour moi, c’est un bon dispositif. Avec Chloé, ça fonctionne bien et si jamais, elle a, de nouveau, des périodes d’absence, on redemandera qu’elle puisse avoir un robot. C’est dommage que certains parents ne sachent pas que cela existe pour leur enfant.

Regards croisés des acteurs sur l’impact de l’utilisation des robots BEAM dans le parcours de soin

Equipe soignante : L’intérêt de ce dispositif réside plus dans la continuité du lien social que dans la continuité scolaire (il reste très difficile de suivre des cours à distance, derrière un écran). L’utilisation d’un robot de télé présence prend tout son sens en milieu hospitalier et notamment dans les services d’Hémato Oncologie Pédiatrique dans lesquels certains patients sont accueillis en chambre stérile et où la sensation d’isolement est davantage ressentie.

Chloé : On a choisi les cours en fonction des soins, donc les soins ne me gênent pas.

Durant ces périodes d’éloignement du système scolaire, les robots offrent de véritables possibilités pour favoriser le maintien des liens avec l’école et les pairs. S’ils ne permettent pas de résoudre l’ensemble des problèmes, ils assurent une forme de continuité entre une « vie d’avant » et une « vie d’après » l’accident ou la maladie.

Avec l’aide du robot de téléprésence, Chloé aura pu poursuivre ses cours en 3, passer son ASSR. Elle a réalisé son oral de brevet avec le robot de téléprésence et un jury qui s’était réuni au collège. Cette solution, c’est, selon le principal adjoint, « imposée d’elle-même » :  « La manière dont cela s’est mis en place est un signe positif de la manière dont est perçu le robot. La famille et le professeur principal m’ont dit comme une évidence : « on n’a qu’à le faire avec le robot » ».

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