Dossier

Communs numériques pour l’éducation

 

Le développement des « communs numériques », un enjeu prioritaire en matière de numérique éducatif

L’axe 3 de la stratégie nationale du numérique pour l’éducation 2023-2027 vise à proposer une « offre numérique raisonnée, pérenne et inclusive » et soutenir le développement des communs numériques en constitue un levier :
« Le terme « commun numérique » désigne un ensemble de ressources numériques produites et gérées collectivement par une communauté. Par nature, ils sont partagés et collectifs » (p.24)

 

Les communs numériques figurent également dans l’article 4 de la Charte pour l’éducation à la culture et à la citoyenneté numériques qui s’inscrit pleinement dans la stratégie nationale :
« La culture des communs numériques favorise la co-création et le partage des ressources pérennes et accessibles que la communauté scolaire peut librement utiliser et modifier ».

 

En matière de numérique pour l’éducation, le Ministère considère que les communs numériques constituent l’horizon par défaut des projets soutenus et opérés par l’institution. Développer les communs numériques permet d’acculturer, mobiliser et animer un écosystème fertile et durable de communs numériques de l’éducation et de faire connaître ou mettre en valeur les créations issues des académies et des communautés.enseignantes.

Qu’est-ce qu’un « commun numérique » ?

Plutôt que de « biens communs », on parle plus généralement de « communs » pour éviter la confusion induite par la notion de « bien » et de propriété qui lui est souvent attachée. En effet, ils ne sont pas seulement des biens matériels, ni même immatériels, qu’il faudrait gérer et dont l’essence serait fixe et immuable.

Dans son ouvrage, Elinor Ostrom met en évidence un ensemble de principes à respecter par la communauté pour y parvenir. Ils définissent les conditions de mise en place d’une gouvernance ouverte :

  • des groupes aux frontières définies
  • des règles régissant l’usage des biens collectifs qui répondent aux spécificités et besoins locaux
  • la capacité des individus concernés à les modifier
  • le respect de ces règles par les autorités extérieures
  • le contrôle du respect des règles par la communauté qui dispose d’un système de sanctions graduées
  • l’accès à des mécanismes de résolution des conflits peu coûteux
  • la résolution des conflits et activités de gouvernance organisées en strates différentes et imbriquées

Quels constats pour l’éducation ?

1. Il existe un impact évident des technologies numériques sur la baisse des coûts de la connaissance. En effet, une fois produite, elle ne coûte quasiment plus rien à produire et on peut la diffuser également à peu de frais.

2. Les difficultés ou restrictions d’accès à la connaissance ont toujours existé, ne serait-ce qu’avec les inégalités sociales ou les territoires. L’utilisation de certains moyens techniques, en permettant de capturer numériquement la connaissance, la rendent alors propriété exclusive d’un détenteur et développent aussi de nouvelles formes d’enclosure.

3. Le rôle crucial joué par l’École, les bibliothèques, les instituts scientifiques dans la diffusion du savoir et la Recherche, institutions par ailleurs « affaiblies ou menacées par “l’extension de la logique de la propriété intellectuelle, peu favorable à la créativité et la diffusion des œuvres et des idées ».

4.La réaction aux nouvelles tentatives d’enclosures se traduit par une importante mobilisation des citoyens qui se rassemblent au sein de mouvements et d’organisations.

Comme les autres biens communs informationnels, les communs se caractérisent par leur non-rivalité : leur utilisation n’est pas exclusive et elle ne leur inflige aucune détérioration. En raison de leur caractère facilement duplicable, les biens numériques sont, par nature, propres à « une gestion partagée et collective ».

 

Définition à retenir : les communs numériques sont des ressources, gérées collectivement par une communauté, celle-ci établit des règles et une gouvernance dans le but de préserver et pérenniser cette ressource.

Les logiciels libres  

Les logiciels libre sont des logiciels qui sont distribués selon une licence libre, c’est-à-dire qu’ils peuvent être utilisés et modifiés par toute personne compétente dans le domaine car leur code source est ouvert. Ils sont ainsi ouvert aux communautés de développeurs ce qui leur apportent extensibilité, fiabilité et réactivité.

le logiciel libre, selon son initiateur, Richard Stallman, est un mouvement social qui repose sur les principes de Liberté, Égalité, Fraternité.

Un logiciel est considéré comme libre, au sens de la Free Software Foundation, s’il confère à son utilisateur quatre libertés (numérotées de 0 à 3)  :

  • la liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages ;
  • la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins ;
  • la liberté de redistribuer des copies du programme (ce qui implique la possibilité aussi bien de donner que de vendre des copies) ;
  • la liberté d’améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté.

Les logiciels libres ont, dans leur grande majorité, tendance à respecter les formats standards ouverts, ce qui favorise l’interopérabilité

Dans sa stratégie du numérique pour l’éducation 2023-2027, le ministère de l’éducation nationale propose aux professeurs plusieurs outils qui peuvent, pour certains d’entre eux, être utilisés avec leurs élèves.
La plateforme de services « apps education.fr » leur fournit ainsi des outils de collaboration ou de communication, comme « classes virtuelles » et « visio-agents », fondés tous deux sur le logiciel libre BigBlueButton, ou encore des outils permettant le partage de fichiers ou la publication de vidéos hébergées sur des infrastructures françaises conformément à la stratégie de souveraineté numérique du Gouvernement.
De même, la plateforme « Éléa », fondée sur le logiciel libre Moodle, permet aux professeurs de créer et partager des ressources éducatives libres et des parcours pédagogiques numériques scénarisés à destination de leurs élèves. Enfin, la plateforme « Magistère » rassemble la plus grande communauté de contributeurs en Europe et met à disposition des professeurs et de tous les agents du ministère un large catalogue de ressources pour se former en ligne.

Communs numériques pour l’éducation : des exemples pour mieux comprendre

Le logiciel libre Linux, le navigateur web Firefox, la base de données libre OpenStreetMap ou le contenu libre de Wikipédia sont des exemples grand public de communs numériques. Le ministère de l’Éducation nationale propose aux enseignants plusieurs communs spécifiquement dédiés à l’enseignement-apprentissage:

  • Capytale, développée par l’académie de Paris et fondée sur une palette d’applications (Python, SQL, OCaml…) qui permet de créer et partager des activités de codage informatique entre enseignants (essentiellement en SNT, NSI, mathématiques, STI, technologie et informatique)
  • La plateforme de formation Magistère qui rassemble une grande communauté de contributeurs
  • Le bouquet de services apps.education.fr qui fournit des outils pour collaborer, stocker ou envoyer des fichiers, héberger ou partager des vidéos, s’organiser en équipe, communiquer en direct
  • La plateforme Éléa, fondée sur le logiciel libre Moodle qui facilite la création et le partage de ressources éducatives libres et de parcours pédagogiques numériques scénarisés (déploiement national en cours de généralisation en 2025

              

Les communs numériques participent d’un numérique souverain en faisant le choix d’utiliser des logiciels libres et des formats ou standards ouverts et interopérables. Les moyens requis pour développer des « communs », la libre circulation des codes et des données, stimule l’émulation et l’innovation. Le partage augmente directement la valeur d’usage de la ressource et permet par ailleurs d’étendre la communauté qui la préservera

Une forge nationale technologiquement souveraine et mutualisée

Proposée par le ministère de l’éducation nationale, la forge des communs numériques éducatifs contient des ressources pédagogiques (logiciels et ressources éducatives libres) utiles à la communauté scolaire. Elle repose sur le logiciel libre GitLab. L’idée est de créer ensemble, partager et faire vivre des logiciels et ressources éducatives libres.

Née de la volonté de la Direction du numérique pour l’éducation de mutualiser les énergies et les différentes actions, la Forge se propose de catalyser les synergies entre acteurs de l’enseignement pour faire émerger des communs numériques utiles et innovants. Elle regorge de pépites éducatives, soigneusement conçues et partagées par ses contributeurs : logiciels, applications web, supports de cours, exercices interactifs… Ces ressources couvrent un large éventail disciplinaire et de niveaux.

LaForgeEdu, est un espace en ligne conçu pour favoriser la création et le partage de ressources éducatives libres où les enseignants peuvent :

  • Collaborer : travailler en équipe sur des projets pédagogiques.
  • Créer : développer des logiciels, des applications, des jeux éducatifs, etc.
  • Partager : mettre à disposition de la communauté éducative l’ensemble de leurs créations.
  • Réutiliser : s’inspirer des travaux des autres pour personnaliser leurs propres ressources.

Les enseignants développeurs choisissent d’y déposer le code informatique de leurs projets numériques, d’autres y éditent du contenu. Par exemple, les ressources ePoc, PrimTUX ou MathALÉA font partie de cette forge.

Pourquoi utiliser LaForgeEdu ?

La promotion et l’utilisation de logiciels libres est un enjeu primordial pour l’école de demain. Il s’agit bien là de développer des outils à visée pédagogique pérennes, respectueux des données personnelles de chacun et qui assureront l’indépendance de l’enseignement offert aux élèves.

Un des intérêts de la forge est bien de proposer un espace d’hébergement pérenne et gratuit pour les sites professionnels des enseignants. Tous les contenus publiés sont alors partagés sous licence libre.
Tout collègue peut donc les utiliser, les modifier et les republier. Via la Forge, tout enseignant peut copier l’intégralité du site d’un collègue qui apparaitra dans son espace. Il a alors tout loisir de le modifier et de l’adapter à ses besoins. Un tuto est proposé sur comment créer son site à partir d’un autre. La Forge permet donc à chaque enseignant de concevoir, partager et publier un site Internet.

Pour en savoir plus et faire communauté, un forum dédié d’accueil et d’échanges sur la Forge est disponible sur la messagerie Tchap

Pour contribuer : tout personnel de l’Éducation national peut accéder à LaForgeEdu via son compte apps.education.fr. Libre ensuite à chacun de consulter les ressources, déposer vos propres productions, rejoindre un projet existant ou en initier un nouveau.

N.B.: il existe d’autres forges à l’Éducation nationale et ce, depuis longtemps, comme par exemple une forge « métiers » (privée et non accessible) à destination des informaticiens et équipes DSI du ministère et des académies ou encore la forge interministérielle MIM-libre opérée par le Pôle de Compétences Logiciels Libres PCLL de Dijon qui s’occupe notamment du portail apps.education.fr et qui offre un compte Mastodon aux enseignants.

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Page mise à jour le 18/10/2024