Ne dit-on pas que la meilleure façon d’apprendre quelque chose, c’est de l’enseigner…

par | Mar 10, 2021

La réalisation d’un support ou d’une production (textuelle, orale, vidéo, etc.) est un exercice qui permet à l’élève de mobiliser de nombreuses compétences, et pas seulement en termes disciplinaires, au sein d’une même activité. Les potentialités des outils numériques donnent un nouvel élan à cet adage en mobilisant les élèves afin de réaliser des contenus plutôt que de les recevoir « déjà digérés » et mis à disposition par leur ou un enseignant.

Le chercheur André Tricot le rappelle en 2017 dans une intervention intitulée « L’innovation pédagogique mythes et réalités » , et plus récemment dans un rapport du CNESCO « Numérique et apprentissages scolaires » ; il précise à la page 21 « Concernant l’écriture, le recours au numérique reste modéré lorsqu’il s’agit de faire rédiger des écrits divers par les élèves, avec un usage mensuel ou hebdomadaire pour 43 % des enseignants. (…) On peut néanmoins remarquer que pour les enseignants qui déclarent utiliser le numérique pour faire collaborer leurs élèves (26 % au moins une fois par mois et 14 % au moins une fois par semaine), l’utilisation d’un traitement de texte collaboratif est fréquemment mentionnée. »
Ce sont donc les fonctions collaboratives qui apportent une plus-value dans la production de contenus par les élèves et enseignants en permettant une nouvelle tâche scolaire qui n’était pas possible sans les outils numériques.

L’important, dans ce type de tâches, est d’être actif cognitivement avec un haut niveau d’engagement favorisant les interactions et la co-construction de savoirs tel que le présente le modèle ICAP.

En tant qu’enseignant de lettres (mais je pense que cela est transposable aisément dans toutes les matières où l’on doit rédiger et composer des documents assez longs) les pads et les outils bureautiques collaboratifs en ligne apportent des perspectives assez intéressantes. Leurs présences dans les Environnements Numériques de Travail (ENT), comme ÉCLAT-BFC, permettent une mise en œuvre assez aisée et contrôlée par les enseignants, mais on peut aussi l’envisager en dehors du contexte scolaire vu les multiples sites proposant ces outils en accès plus ou moins libre sur le web.

Pédagogiquement, je me suis appuyé sur les expérimentations pédagogiques de Jean-Charles Cailliez sur la « classe renversée ». Il a proposé à ses étudiants une méthode qu’il résume par une petite phrase : « Désormais, vous ferez tout… je ne ferai plus rien ! ».

Plutôt que de procéder traditionnellement, puisque l’année est déjà avancée et que les élèves ont pu mettre en place des routines avec des outils numériques, je leur ai proposé d’étudier un roman en construisant des sujets de devoirs surveillés à me soumettre avant que je choisisse les questions pour le devoir bilan noté.

J’ai commencé une nouvelle séquence, en classe de seconde, sur l’objet d’étude « Roman/Récit du XVIIIᵉ au XXIᵉ siècle », avec en appui le roman de Philippe Grimbert Un secret, en axant le travail sur une problématique qui me semble très utile à tous ces adolescents : comment dire le corps et montrer les sentiments par l’écriture romanesque ?
Pour cela, j’ai mis en place 9 équipes de 4 élèves (3 équipes par texte) et chacune d’entre-elles avait à effectuer certaines tâches en 5-6 heures.

  1. La première étape a consisté en l’annotation du texte avec des notes de bas de page, la constitution d’un paratexte resituant le passage, l’intention du narrateur ainsi que le genre et le registre, en vue de consolider certaines notions.
  2. La seconde étape s’est focalisée sur l’analyse du texte via le prisme de l’expression des sentiments, avec des recherches d’éléments stylistiques, des analyses et explicitations en vue d’interprétations.
  3. La dernière étape a vu la rédaction de questions de compréhension, d’analyse et d’expression avec l’indication d’un barème et d’éléments de réponses. À la fin, je devais essayer de répondre aux questions afin de les valider pour le devoir surveillé et les élèves devaient me noter.

À chaque étape, les élèves travaillaient collaborativement et élaboraient un document dans un traitement de texte collaboratif que les autres équipes pouvaient aussi consulter.

Pour la mise en œuvre, les élèves ont accédé, via l’ENT ÉCLAT-BFC, à un document de traitement de texte partagé et collaboratif et après avoir aussi travaillé individuellement sur leur texte papier, puis ensemble sur le document numérique en se mettant d’accord et se questionnant.

  1. La première tâche est plutôt informationnelle et a permis de mobiliser les connaissances et ressentis de lecture sur le passage à l’étude. Les choix reportés sur le document numérique étaient plutôt consensuels et aisés (notes de bas de pages et rédaction d’un paragraphe avec un ordinateur portable par groupe).
  2. La seconde tâche était plutôt interprétative, elle a consisté à mettre en œuvre des repérages d’éléments littéraires significatifs, de les interpréter avant de commencer à rédiger des questions de compréhensions basées sur des repérages.
    Les élèves ont pu accéder à plusieurs et en même temps au document collaboratif avec un ordinateur individuel en salle informatique pour effectuer des repérages en soulignant/surlignant en couleurs et en proposant des commentaires en guise d’analyse et d’interprétations.
  3. La troisième tâche a été plus complexe, puisqu’il fallait, en équipes, se mettre d’accord sur des questions et proposer des éléments de réponses ; deux ordinateurs portables par équipe et des smartphones d’élèves ont été nécessaires pour élaborer les questions et proposer des éléments de réponses.
    Si on se réfère à la mesure de l’engagement ICAP, les élèves ont atteint le niveau d’engagement « Interactif » qui permet le plus d’apprendre en confrontant ses savoirs à ceux des autres membres du groupe.

Faute de temps, je n’ai pas pu répondre à toutes les questions de manière rédigée mais j’ai validé oralement, pour chaque équipe, les questions et pointé les formulations et consignes trop vagues ou inopérantes ainsi que les éléments de réponses.
Il va s’en dire que, une fois les travaux préparatoires terminées et finalisées, le devoir porte sur le texte préparé par chacun des groupes et qu’il a été constitué des questions élaborées par les élèves.

En guise de synthèse sur les outils évoqués

 

Objectif(s)

Atouts

Limites

Interopérabilité

Aides

Pad

(dans ou hors ENT)

  • Permettre le travail collaboratif.
  • Écrire à plusieurs en se focalisant sur le contenu textuel.
  • accès facile et intuitif
  • historique des modifications
  • tchat et commentaires pour accompagner les travaux
  • nécessite un accès Internet
  • ne traite que des éléments textuels (pas de tableau)
  • pas de tchat et ni de commentaires sur ÉCLAT-BFC
  • fonctionne sur ordinateur et sur tablettes avec un navigateur web récent, ou sur smartphones
  • exports possibles dans différents formats

Suite bureautique

(module de traitement de texte)

  • Permettre le travail collaboratif.
  • Agir sur des documents plus complexes à plusieurs mains.
  • mode révision et utilisation de commentaires
  • utilisation des couleurs et surlignages/soulignages
  • insertion de tableaux et d’images
  • nécessite un accès Internet
  • pas d’historique des modifications
  • pas d’écriture mathématique
  • fonctionne sur ordinateur et sur tablettes avec un navigateur web récent, ou sur smartphones
  • exports possibles dans différents formats
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